Les militantes qui se vantent (et l’effet normatif)

Si vous vous intéressez de près au milieu végane, vous connaissez sûrement des personnes qui sont soupçonnées de militer pour leur propre égo ou par autosatisfaction plus que pour les animaux. On va alors généralement leur reprocher de trop se vanter de leurs actions.

Pourquoi agir dans son propre intérêt pose problème ?

Si on s’intéresse aux conséquences, il est légitime de penser qu’une personne se souciant avant tout de l’image qu’elle renvoie aux autres pourrait choisir des actions non optimales pour ce qui est d’aider les animaux, lorsque ces deux critères ne coïncident pas. Ceci peut se traduire par exemple par des actions surcôtées par rapport à leur impact réel (comme le boycott végane), ou par le rabaissement de toutes celles qui ne font pas aussi bien (ce qui fait ressortir le mérite à faire mieux, mais peut aussi détourner de bonnes volontés du mouvement animaliste).

Mais si agir dans son propre intérêt semble autant poser problème, c’est surtout pour des raisons qui n’ont pas grand-chose à voir avec les conséquences pour les animaux. Nous sommes dans un pays de tradition catholique, qui a très bien intégré l’idée que l’intention et la motivation comptent tout autant (sinon plus) que la conséquence de l’acte, qu’il est vertueux d’agir avec humilité, ou encore que les bonnes actions servent avant tout à élever son âme vers Dieu, seul juge de ce qui est bon ou mauvais. Bref, ne pas communiquer sur ses bonnes actions permet d’agir en conformité avec la tradition catholique, alors que se vanter ou agir en étant motivé par une récompense serait s’éloigner du chemin de la vertu. Notez que se conformer à cette morale de tradition religieuse, qui ne tient pas compte des conséquences sur autrui, revient paradoxalement aussi à agir pour son estime personnelle, puisqu’on trouve davantage de mérite à agir sans attendre de récompense.

Mais pourquoi est-ce malgré tout une bonne chose de se vanter de militer ?

Plutôt que de tirer une satisfaction personnelle d’agir en fonction de principes vertueux écrits dans de vieux livres mystiques, il semble préférable de tirer sa satisfaction des conséquences positives que nos actions ont pour autrui. Il est assez évident que plus les personnes tireront de satisfaction personnelle à agir pour les animaux, plus il y aura d’initiatives en faveur des animaux et mieux ils se porteront.

Actuellement, nous vivons dans une société où aider les animaux est bien vu jusqu’à un certain point, mais où remettre en cause la suprématie humaine et le bon droit à massacrer autrui (d’une autre espèce) est plutôt mal vu. Le rejet des végétariennes est d’ailleurs surtout un rejet de cette remise en cause et de ses avocates.
Faire perdurer cet état de fait et empêcher l’altruisme de s’exposer comme un motif légitime de fierté, c’est aussi laisser d’autres motifs moins légitimes prendre sa place. Ainsi, nous continuerons sans sourciller de voir des gens fiers d’être nés quelque part (qu’est-ce qu’on y peut ?), d’avoir atteint des réussites professionnelles ou sexuelles, ou encore d’avoir acquis tant de renommée ou d’argent (qui peuvent cela dit être de grands atouts pour rendre le monde plus juste !).

Si nous voulons rendre l’altruisme socialement plus désirable, il est essentiel de l’exposer en tant que tel. Les animaux ont tout à gagner à ce qu’on se vante et qu’on tire ostensiblement une satisfaction personnelle de l’aide qu’on leur apporte. Non seulement cela peut donner des idées d’actions à d’autres militantes potentielles, mais surtout cela incite à suivre cet exemple, par effet normatif. Plus nous félicitons les actions animalistes et plus nous nous en félicitons, plus l’animalisme sera désirable, et plus les actions animalistes se multiplieront. Au contraire, faire croire qu’agir pour les animaux et en tirer satisfaction personnelle serait honteux (ou indécent), c’est agir contre le mouvement animaliste et contre les animaux*.

Les animaux ont besoin que les animalistes soient fières de leurs actions !
Si vous voulez augmenter votre impact, faites-en la publicité : déclarez vos dons aux associations, annoncez les actions auxquelles vous participez, réjouissez-vous publiquement de vos réussites militantes. Critiquez avec parcimonie et bienveillance, et ne manquez pas de féliciter celles qui agissent pour les animaux, y compris lorsqu’elles montrent l’exemple de personnes qui s’épanouissent grâce à leur altruisme !

*Il serait même possible qu’un culte du martyr apparaisse, faisant croire que la pénibilité et le sacrifice personnel sont des critères de bonne militance. On constate déjà que des personnes ayant commis des actions aux conséquences douteuses pour les animaux deviennent des héros lorsque cela les conduit à être emprisonnées.
La reconnaissance du sacrifice personnel comme quelque chose de positif en soi pourrait être un frein important au développement du mouvement, provoquant burnouts et épuisant ses ressources (motivation, temps et argent parti en frais de justice, etc.).

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