Le véganisme aux Etats-Unis et en France : Nombre, motivations, légitimité

Sur mon blog, je propose des traductions des textes abordant des questions stratégiques, souvent vues à travers le prisme d’un contexte état-unien. Pour avoir un point de vue critique sur ces articles, et savoir à quel point leurs conseils seraient transposables à la situation française, il me semble intéressant de comparer la situation du mouvement animaliste aux Etats-Unis et en France.

Autant de végéta*iens de part et d’autre

Le nombre de personnes se déclarant végéta*iennes est à prendre avec précaution, des surestimations du simple au double ayant déjà été rapportées. Lorsqu’il s’agit de faibles échantillons, les variations peuvent être très importantes. Ainsi ce sondage annonce 4 % de véganes en France, contre 0,1 % dans cette autre étude retenue par la Fédération Végane.

En France, il y a environ 3 % de personnes végéta*ien·ne·s dont probablement moins de 0,5% de véganes.

Aux Etats-Unis, Faunalytics estime le nombre de personnes végéta*iennes à 2 % en 2014, dont 0,5 % de végétaliennes.

Aux Etats-Unis, la santé motive davantage qu’en France

Les motivations des personnes végéta*iennes semblent notablement différentes entre ces deux pays.

En France, d’après un sondage Opinion Ways mené en 2016, l’éthique envers les animaux était une motivation pour 78 % des végéta*iens, contre 47 % seulement pour la santé.

Aux Etats-Unis, d’après Faunalytics, la santé était une motivation pour 69 % des végéta*iens, contre 68 % pour l’éthique animale.

Motivations des états-uniens pour une alimentation végéta*ienne (données Faunalytics)

L’intérêt santé du végéta*isme est aussi visible à travers les influenceurs. Alors qu’en France les chaînes youtube les plus connues sur le thème du véganisme parlent essentiellement d’éthique animale, les chaines anglophones les plus suivies traitent surtout d’alimentation (observez le nombre d’abonnés et les thèmes des chaines sélectionnées ici ou les titres de ce top 50 dont à peine une dizaine sont dédiées à la question animale).

L’opinion publique est plus hostile en France et le véganisme plus légitime aux Etats-unis

Fabien Carrié analyse en ces mots le « coup double » de Singer ayant légitimé l’antispécisme dans le champ intellectuel et militant dès les années 70, là où les antispécistes français peinent encore à y parvenir :

La reconnaissance dans le champ intellectuel des productions de Singer, et à sa suite, des penseurs de l’éthique animale, favorise l’appropriation des labels de libération animale et d’antispécisme par les militant·e·s, ce qui en retour conforte dans l’espace public l’importance de cette question. En définitive, c’est un véritable retournement dans les configurations anglo-saxonnes des groupes de porte-paroles des animaux qu’initie Singer au mitan des années 1970. Les critiques systémiques de l’exploitation des bêtes, jusque-là minoritaires, s’imposent progressivement au détriment des critiques sectorielles auparavant dominantes, opérant ainsi un basculement des valeurs au sein de ces espaces de lutte.

Le succès du projet de Singer, de même que la reconversion de militant·e·s comme Spira dans ce mouvement naissant, s’expliquent aussi pour partie par la naturalisation précoce, en Grande-Bretagne et dans les pays anglophones, de l’idée de représentation politique des bêtes. Les dynamiques successives depuis la fin du xviiie siècle de production, de diffusion et d’institutionnalisation de formes variées de porte-parolats des animaux (protection animale, antivivisectionnisme, humanitarianisme) ont contribué à y légitimer le principe d’une délégation politique des intérêts de ces sans-voix, et à y imposer durablement l’idée d’une représentation des animaux « profane » et alternative face au monopole de la parole légitime détenue par les scientifiques du vivant, sur tout ce qui relève de la nature

Alors que le principe d’une représentation politique au nom des animaux est légitimée depuis le 19ième siècle dans les pays anglophone, celle-ci n’a été que très récemment parvenue à s’implanter en France. Les associations de protection des animaux traditionnelles (type SPA) sont restées jusque là très conservatrices en ce qui concerne la protection des animaux d’élevage et le végétarisme. L’absence d’intellectuels anti-spéciste influant s’est également doublé d’une méfiance vis-à-vis d’idées perçues comme américaines et d’une défense contre ce qui a été perçu comme un anti-humanisme de Luc Ferry  jusque dans les milieux d’extrême gauche.

Ainsi, alors que Renan Larue, professeur français, a pu fonder aux Etats-Unis un champ de recherche s’intéressant au phénomène du véganisme à travers la théologie, la morale, l’anthropologie, les sciences sociales et la psychologie (les vegan studies), les intellectuels s’exprimant dans les médias français écrivent toujours pour la plupart n’importe quoi sans s’être apparemment renseigné un minimum sur le sujet. Un média politiquement peu orienté tel que le New York Times aborde régulièrement le véganisme, plutôt de manière positive et sans jamais tomber dans l’anti-véganisme. Les commentaires sous les articles de ce journal traitant du véganisme, comparés aux commentaires sous les articles du Monde, nous montrent aussi que la population française est bien plus virulente contre le véganisme.

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