Evolution d’un·e militant·e végé

Traduit depuis l’article de Che Green Evolution Of A Veg*N Advocate depuis le blog faunalytics.

Que nous disent les étapes du deuil au sujet du processus pour devenir un·e militant·e végé et améliorer notre plaidoyer pour aider les animaux plus efficacement ?

Dernièrement, j’ai beaucoup réfléchi au deuil. Mon père est décédé plus tôt cette année, et ma grand-mère paternelle est décédée peu après. L’année a été difficile, sur le plan émotionnel, et j’ai passé beaucoup de temps à pleurer ces pertes. Une partie de mon processus de rétablissement (en tant que geek de la recherche) consistait à étudier les étapes du deuil pour comprendre combien de temps je pouvais être embourbé dans des sentiments négatifs.

Même après que le deuil ait été réduit à un niveau fonctionnel, j’ai continué à faire des recherches sur le processus, par curiosité intellectuelle. Il s’avère que les bien connues « cinq étapes du deuil » offrent un parallèle remarquable avec comment nombre d’entre nous assimilent les informations qui les font devenir les militant·e·s végétarien·ne·s ou véganes (végé, ou veg*n en VO) qu’elles sont. Je pense que cela peut également constituer une approche intéressante pour explorer les étapes que franchissent les militant·e·s.

Avant d’aller plus loin, je dois être clair : je ne suis ni psychiatre ni psychologue. J’étudie la militance pour les animaux depuis près de 20 ans, mais une grande partie de ce blog dépasse le cadre de cette expérience. Ce ne sont que des spéculations basées sur mon histoire personnelle et sur des anecdotes d’autres personnes. Si cela présente suffisamment d’intérêt, ce pourrait être un sujet que nous explorerons dans de futures recherches.

Pour en revenir au sujet qui nous occupe, le modèle le plus connu d’étapes du deuil a été mis au point par Kübler-Ross, il y a une cinquantaine d’années. Le modèle décrit cinq étapes de la réaction émotionnelle ressentie par les personnes en phase terminale ou endeuillées par la perte d’un être cher : Déni, colère, négociation, dépression et acceptation (« DABDA » en anglais). Dans mon analogie, les militant·e·s végé sont en deuil suite à leur compréhension récente de l’ampleur de la souffrance animale.

En ce qui me concerne, j’étais dans le déni de l’ampleur de la souffrance animale avant d’être végé. J’en ai pris conscience, puis j’ai été très en colère. J’étais irrité par tous ceux qui consommaient des animaux et même par les animalistes qui n’avaient pas réussi à les arrêter. Je me suis dit que je pouvais faire personnellement changer les choses pour les animaux, et plus rapidement que les autres.

Quand j’ai réalisé que ce n’était pas vrai, je suis devenu en quelque sorte déprimé, ou plutôt « désabusé », par le manque de progrès pour les animaux et par mon incapacité à arrêter la souffrance qui continuait tout autour de moi. Mais il y a de nombreuses années, j’ai accepté que la défense des animaux soit un mouvement de justice sociale à long terme et que je ne suis qu’une petite partie de la solution.

Cela peut sembler familier à quelques un·e·s d’entre vous. Mais bien que je n’aie que indices anecdotiques, je pense que ce processus est similaire pour beaucoup d’autres végés/militant·e·s animalistes. Je pense qu’il peut être utile pour certain·e·s militant·e·s d’explorer plus avant l’analogie des 5 étapes du deuil et d’examiner chaque étape plus en profondeur.

Déni

Ce stade correspond au stade pré-végé, qui représente actuellement une nette majorité de la population. Alors que la plupart de ces gens diraient qu’ils abhorrent la souffrance animale, beaucoup nieraient aussi qu’il y a un problème éthique à manger de la viande ou d’autres produits animaux. Comme Faunalytics l’a déjà mentionné à maintes reprises, la dissonance cognitive peut être une force puissante.

Dans son livre, States of Denial: Knowing About Atrocities and Suffering (Étapes du déni : Connaître les atrocités et la souffrance) Stanley Cohen explore comment des atrocités humaines comme les génocides et les crimes de guerre peuvent se produire sans que personne n’intervienne. Bien que Cohen ne traite pas des questions relatives aux animaux, le même concept peut s’appliquer à de nombreuses formes courantes d’utilisation et de mauvais traitements sur des animaux, et en particulier les mauvais traitements institutionnalisés.

Surmonter le déni pour un comportement aussi « normal » que la consommation de produits animaux est un défi, c’est le moins qu’on puisse dire. C’est pourquoi les végés restent une petite partie de la population (pour l’instant). Et voyons les choses en face : ça craint d’être en minorité quand il est question d’éthique. Pour beaucoup d’entre nous qui passons le stade du déni et devenons végé, notre première réaction est de nous mettre en colère.

Lorsqu’une personne reconnait l’ampleur de la souffrance animale et adapte son propre régime alimentaire et ses choix de vie pour la minimiser, elle devient souvent ce que certains anglophones appellent une « angry vegan » (végane en colère). C’est compréhensible, mais probablement pas efficace. En tant que nouvelle végé, vous réalisez que la souffrance animale est partout et que presque toutes les personnes que vous connaissez sont complices.

Colère

J’ai argumenté avec colère contre les chasseurs sur l’ancien forum EnviroLink. J’ai été arrêté pour avoir protesté dans un KFC. J’ai porté une cagoule et insulté des vendeurs de fourrures. Et j’ai été parfois intolérant et conflictuel avec mes amis et ma famille, causant même des dégâts irréparables à certaines relations. Rien de tout cela n’a été efficace. Ce n’était même pas particulièrement cathartique.

Je ne pense pas que nous puissions empêcher les personnes qui deviennent végés d’être en colère, et nous ne devrions pas non plus essayer. Mais du point de vue de l’efficacité, j’espère que nous pourrons permettre aux militant·e·s de raccourcir cette phase de leur développement. L’alternative est de non seulement risquer d’être inefficace, mais aussi de succomber à la « l’overdose d’indignation » et au burnout. La colère peut être motivante, mais elle n’est pas supportable à long terme et n’est pas d’une grande utilité pour la défense des animaux.

Négociation

La troisième étape, c’est lorsque nous commençons à penser que nous pouvons changer les choses. Pas un jour peut-être, mais demain. Les gens ont juste besoin de connaître la vérité et ils comprendront pourquoi ils devraient devenir végé. Nous négocions avec nous-mêmes : l’ampleur de la souffrance peut être énorme, mais nous pouvons la réparer ! Et pas seulement tôt ou tard, mais maintenant ! Après tout, « quand on veut on peut », non ?

Non. Mais c’est là l’attrait de la pensée idéologique, souvent déguisée en « abolitionnisme » dans les milieux animalistes. Quand on est déjà en colère, l’approche « tout ou rien » peut être particulièrement séduisante. Certains d’entre nous s’accrochent alors à une seule forme de plaidoyer (comme l’éducation au véganisme moral) et décident que toutes les autres formes de plaidoyer en faveur des animaux sont une perte de temps ou même contre-productives.

Bien sûr, c’est stupide. Comme je l’écrivais il y a presque dix ans, « Les seuls militant·e·s qui ont tort sont celles et ceux qui croient que leur approche est la seule qui soit « juste » ». Mais les militant·e·s qui se retrouvent bloqué·e·s à l’étape de la négociation s’accrochent souvent à cette courte vue, et certaines personnes vont jusqu’à attaquer d’autres véganes qui ne sont pas aussi dogmatiques dans leur approche.

Dépression

Lorsque le monde ne devient pas végane du jour au lendemain, ni dans un an ni dans dix ans, certain·e·s d’entre nous commencent à se sentir déprimé·e·s (étape quatre). Malgré tous nos efforts, seul·e·s quelques-un·e·s de nos ami·e·s et membres de notre famille sont devenus végés. Nous avons peut-être passé des mois ou des décennies à l’étape de la négociation, mais ce n’est plus convaincant. Nous en sommes venus à comprendre que le changement social peut être douloureusement lent.

C’est l’étape où de nombreuses personnes qui militent pour les animaux s’épuisent. Les espoirs et les attentes élevées qui se sont développées au cours de l’étape de la négociation s’opposent à la difficulté concrète de lutter contre quelque chose d’aussi installé que la consommation d’animaux. Il est difficile d’admettre que, peu importe les efforts que nous déployons, nous ne pouvons qu’égratigner la masse de souffrance à laquelle nous sommes confrontés. Certaines personnes réagissent en retournant à la colère, d’autres en se sentant désespérées.

C’est une étape critique pour les militant·e·s végés. Je suppose qu’une proportion importante des militant·e·s deviennent inactives en raison d’une forme quelconque de dépression, mais je n’ai aucune donnée à l’appui de cette affirmation. C’est un sujet qui mérite d’être étudié plus à fond, malgré les défis que pose le fait d’atteindre les ex-militant·e·s. Si nous comprenons pourquoi et combien de personnes qui défendent les animaux sombrent dans la dépression, le burnout ou la fatigue compassionnelle, nous aurons de meilleures chances de les aider à maintenir leur activisme.

Acceptation

Enfin, bon nombre d’entre nous s’installent dans un rôle de militant·e à long terme. Nous restons végés (espérons-le !), mais nous cessons de travailler 24h/24 et 7j/7 sur les questions animales. Au lieu de cela, nous commençons à équilibrer notre militantisme avec d’autres intérêts. Nous prenons des vacances. Certain·e·s d’entre nous se marient. Nous rattrapons trois ans de Game of Thrones. Nous commençons à accepter que nous sommes des graines qui ne verrons peut être jamais leurs propres fleurs. Mais nous continuons le combat.

Ce processus d’acceptation est plus facile pour certaines personnes que pour d’autres. Celles qui ont une mentalité pragmatique et celles qui sont en faveur d’un plaidoyer par étapes, y compris en faveur de réformes welfaristes, s’orientent probablement plus facilement vers l’acceptation. D’un autre côté, celles qui ont une vision idéologique (« l’abolition maintenant, ou rien ») n’accepteront peut-être jamais que la défense des animaux soit une lutte à long terme.

Personnellement, j’espère que nous pourrons trouver des moyens pour que les militant·e·s végés puissent avancer plus rapidement à travers ce processus. Certaines personnes font un travail remarquable en étant dans les premières étapes, alors que d’autres se laissent guidées par la colère et utilisent des tactiques comme la honte et l’intimidation. En général, je pense que nous sommes tous plus efficaces lorsque nous acceptons que les choses ne vont pas changer immédiatement et que nous choisissons nos stratégies de manière lucide et réfléchie.


Qu’en pensez-vous ? Avez-vous eu la même expérience à travers ces étapes ? Cela vous fait-il penser à des militant·e·s que vous connaissez ? N’hésitez pas à partager vos anecdotes et votre opinion dans la section commentaire ci-dessous.

Photo par Jo-Anne McArthur, WeAnimals.org

2 commentaires sur “Evolution d’un·e militant·e végé

Laisser un commentaire