Presseriez-vous le bouton pour faire disparaître l’humanité ?

Traduit depuis l’article du Vegan Strategist Would you press the button to make humanity go extinct?

Attention : ce billet contient des idées que certaines personnes pourraient trouver insolemment optimistes, ainsi que des idéaux à long terme que certaines peuvent trouver ridicules. Veuillez mettre votre esprit en mode « ouvert » avant d’aller plus loin 🙂

Je lis souvent des personnes qui chérissent l‘idée de faire disparaître  l’humanité en raison de la souffrance que notre espèce inflige à ses membres, aux autres êtres sentients et à la planète. Je vous propose cette expérience de pensée : si vous pouviez faire disparaître l’humanité (sans douleur) en appuyant sur un bouton, appuieriez-vous sur celui-ci ? Ou, en remodelant légèrement l’expérience pour que vous puissiez faire abstraction de votre propre responsabilité : empêcheriez-vous quelqu’un d’autre d’appuyer sur le bouton ?

Dans le mouvement animaliste/végane, l’extinction humaine semble trouver davantage de support que dans la population générale (de ce que j’en perçois). On pouvait s’y attendre. Les gens deviennent militants animalistes et/ou véganes parce qu’ils ont découvert les souffrances horribles que les humains infligent aux animaux, pour la nourriture, les vêtements, la recherche ou les loisirs. Il est tentant de penser que la planète serait un endroit plus agréable sans Homo sapiens. Et comme selon notre expérience de pensée, aucun humain ne souffrirait vraiment (ce ne serait que la question d’un instant, et il n’y aurait aucun humain pour déplorer la nouvelle situation), nous pourrions nous dire : où serait le mal ?

Maintenant, du point de vue du domaine notoirement délicat de l’éthique des populations, il y a beaucoup d’autres choses à en dire. Outre les conséquences pour les autres espèces et l’environnement, on pourrait se demander si l’univers serait globalement pire ou meilleur sans les humains. S’il y a, en moyenne, davantage de valeur positive que négative dans la vie humaine, le résultat serait plutôt négatif. Mais s’il y a davantage de souffrance que de bonheur, ce serait plutôt une bonne chose. Nous pourrions aussi penser à la valeur des personnes qui naîtraient dans le futur. Elles ne verraient évidemment pas le jour si l’humanité s’éteignait. Je n’irai pas plus loin sur ce terrain miné, d’une part parce que je n’ai pas d’opinions fermes sur ces questions, mais aussi parce que j’ai du mal à y voir clair, et surtout parce que je veux aborder d’autres aspects du problème.

Voici les raisons pour lesquelles je n’appuierais pas sur le bouton :

1. Les humains peuvent faire beaucoup de dégâts, mais ils sont aussi remarquables.

Nous connaissons tous les horreurs que nous causons dans le monde : à d’autres personnes et chaque année à 65 milliards d’animaux d’élevage (sans compter les poissons). Nous foutons en l’air notre environnement et utilisons beaucoup de ressources naturelles limitées. Il serait inutile de faire une longue et déprimante liste ici. Cependant, nous pouvons aussi voir tout le bien que nous faisons. Jamais dans l’histoire de notre planète – et pour ce qu’on en sait, de l’univers – une espèce n’a investi autant de temps à aider les autres. Pensez aux millions de personnes actives dans le secteur associatif. Pensez à celles qui essaient d’aider les plus faibles et les plus pauvres. Pensez à toutes les belles choses qu’on fait. Si on pense ainsi à Homo sapiens, il devient plutôt problématique et injuste de la traiter d’espèce dégénérée capable uniquement de faire du mal.

2. Les humains ont encore beaucoup de potentiel d’amélioration.

À bien des égards, notre histoire ne fait que commencer. Il y a quelque temps, nous n’étions que des singes arboricoles. Nous n’avons développé la culture, l’apprentissage et l’éducation que récemment. Ce n’est que récemment que nous sommes parvenus (du moins dans les pays riches) à créer des environnements confortables où nous n’avons plus à nous soucier de la nourriture et du logement, de sorte que nous puissions passer plus de temps sur d’autres choses. La violence est en déclin et cette époque est, contrairement à ce dont certains ont l’intuition, l’ère la plus pacifique de l’histoire (lire La Part d’ange en nous de Steven Pinker). Nous élargissons continuellement notre cercle moral. Dans le futur, nous travaillerons probablement moins et consacrerons probablement encore plus de temps à changer les choses pour nous-mêmes et pour les autres. Nous pouvons même espérer (du moins si l’on est techno-optimistes) que des progrès technologiques futurs puissent nous aider à avoir un impact positif énorme sur notre condition et celle de notre planète.

3. En continuant sur ce chemin, les humains pourraient être en mesure d’aider les autres espèces

Dans l’avenir, étant donné l’élévation de notre morale et les améliorations technologiques attendues, l’impact que nous avons sur d’autres espèces pourrait devenir positif. La plus grande source de souffrance pour les animaux est sans doute la nature/leurs conditions naturelles. Les animaux meurent par milliards à cause de la faim, de la maladie, du parasitisme, du climat, de la prédation (voir mon article La souffrance des animaux sauvages : une vérité qui dérange beaucoup). Peut-être qu’à l’avenir, nous pourrons limiter une partie de cette souffrance. Il en va de même si, dans un avenir plus lointain, nous rencontrons une vie sentiente sur d’autres planètes. Il y a de fortes chances qu’il y ait de la souffrance là-bas, et si, d’ici là, nous avons suffisamment progressé en moralité et technologie, nous serons peut-être en mesure d’aider. Bien sûr, il est possible que d’autres espèces de notre coin de l’univers en soient déjà rendues là, rendant ainsi notre propre progrès moins important. Mais dans l’hypothèse que nous soyons les seuls aussi « avancés » (de ce coin de l’univers), il serait très important de survivre et continuer notre développement afin d’apporter notre aide. Il serait dommage que tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes soit perdu et que l’univers ait besoin de repartir depuis une autre espèce pour atteindre notre niveau de développement. Beaucoup de temps et de vies seraient perdues.

 

Comme vous le voyez, j’anticipe beaucoup. Mais pourquoi s’en priver ? Certains croiront qu’il s’agit de spéculation et de science-fiction qui n’ont aucun rapport avec les souffrances et les problèmes actuels. Mais si nous ne nous détruisons pas nous-mêmes, nous pouvons supposer que nous allons rester dans le coin pour très, très longtemps encore. Et pendant ce temps, beaucoup de choses sont possibles.

Nous avançons. Nous sommes encore des enfants, nous grandissons, nous nous améliorons. Cela va prendre des siècles ou des millénaires, mais nous, les humains, nous pourrions bien être la meilleure chose qui puisse arriver à l’univers. N’appuyons pas encore sur le bouton.

4 commentaires sur “Presseriez-vous le bouton pour faire disparaître l’humanité ?

  1. Sincèrement j’en sais rien. Je pense que j’aurais envie de le faire mais que, selon les points de vue, je n’aurais pas asez de cran/je serais trop lâche. Je ressens pour les humains la fascination que j’ai pour les « méchants » des Marvel : oui ce sont des enflures, mais iels ont aussi une part de lumière, et s’ils ont viré du côté obscur, ca n’est pas sans raisons. Donc je les hais, mais en même temps je les aime. De même que les gentils peuvent commettre des actes affreux.
    Je viens de finir la saison 1 de « (How to get away with) murder ». Le personnage d’Annalise Keating est absolument fascinant : elle est capable de faire le pire pour servir le meilleur. Est-ce que je pourrais lui mettre une balle dans la tête ? Même en y pensant 1 siècle, je serais toujours en oscillation, incapable de me décider.

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  2. La continuation de ces souffrances que nous infligeons vaut-elle la patience d’attendre que l’humanité devienne plus consciente et compationnelle? Nous ne sommes pas « achevés ».
    Et même si nous étions « achevés  » – ce qui serait nier l’évolution – je ne peux ni ne veux décider.
    Mettre en balance les « bonnes » gens et les salauds ne suffirait-il pas à détruire ce bouton?

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  3. « Il y a quelque temps, nous n’étions que des singes arboricoles. Nous n’avons développé la culture, l’apprentissage et l’éducation que récemment. » Rho… Une pointe d’exceptionnalisme humain, c’est le sel du billet.

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