Individualisme ou altruisme relationnel : La responsabilité émotionnelle (2/7)

Le texte initial schématise deux manières opposées de voir le polyamour: Une manière libertaire-altruiste relationnel et une manière libertarienne-individualiste relationnel. Ce texte aborde une question concrète et montre comment notre façon de voir le polyamour change la manière comment nous vivons nos relations. Il s’agit là de réflexions personnelles basées en partie sur des observations de quelques comportements ou traces écrites et non d’études sociologiques.

Sommaire :

  1. La mauvaise influence
  2. La responsabilité émotionnelle
  3. Dépendance affective et exigence vis-à-vis de l’autre
  4. Paradoxe de la bienveillance neutre
  5. Le refus des critiques
  6. Le polyamour comme plusieurs couples / le polyamour comme célibat libertin
  7. L’importance de la diversité d’opinions

Dans l’individualisme relationnel, les personnes qui se conçoivent comme étant insensibles aux influences extérieures sont souvent amenées à penser chaque personne comme seule responsable de ses émotions. Par exemple, la jalousie appartiendrait à la personne qui ressent cette jalousie, d’autres personnes peuvent se sentir concernées si elles ont envie, mais n’auront pas à se sentir responsables. Il est alors abusif de demander à quelqu’un de ne pas coucher avec une autre personne en raison de la douleur affective que cela nous ferait ressentir. Je crée cette douleur ; ce n’est pas à l’autre de s’accommoder de ce je provoque en moi-même. Outre le ressenti, les actions que j’entreprends pour limiter l’occurrence ou l’intensité de cette douleur sont exclusivement de ma responsabilité, puisque “qui je suis” n’a rien à voir avec le contexte dans lequel j’évolue.

Cet exemple est caricatural mais malheureusement répandu dans les textes traitant de polyamour. Il est évident que des sentiments complexes comme la jalousie n’apparaissent que sous la contrainte d’influences extérieures. La responsabilité de l’émergence de sentiments est donc partagée entre:

  1. les circonstances extérieures qui provoquent l’apparition de ce sentiment
  2. la personnes qui ressent ce sentiment.

1) Les circonstances extérieures d’un sentiment comme la jalousie sont d’ordinaire dépendantes d’autres personnes, par leurs actes ou leurs paroles. Ces personnes sont donc directement co-responsables de l’apparition de mon sentiment.

2) En estimant que chaque personne est le fruit des influences qu’elles a reçu, la personne que je suis lorsque je perçois une influence extérieure est aussi de la responsabilité des gens qui m’entourent. Par exemple, une comparaison à mon désavantage n’a pas autant de chance de me rendre jaloux si je pense que la personne qui compare restera, quoi qu’il en soit, bienveillante envers moi. Dans le même ordre d’idée, si mon compagnon a démontré la fiabilité de son engagement par le passé, je n’aurai pas peur d’être abandonné et ne ressentirai pas la jalousie liée à cette peur.

Que je sois sensible ou non à la jalousie pour un stimulus identique n’est donc pas exclusivement de ma responsabilité, mais aussi de la responsabilité des personnes qui ont contribué à faire de moi qui je suis à cet instant.

La façon dont j’agirais face à la souffrance provoquée par la jalousie que je ressens (pour diminuer son occurrence ou son intensité) est indissociable de ma personnalité en cet instant et des options que m’offre mon environnement. Les personnes qui interagissent avec moi pendant et suite à ce ressenti de la jalousie sont donc co-responsables de mes actions, qu’elles le veuillent ou non. Même lorsqu’on quitte une relation, nous restons coresponsable du ressenti de l’autre, puisque notre absence ne manquera pas de provoquer des émotions.

 

20 commentaires sur “Individualisme ou altruisme relationnel : La responsabilité émotionnelle (2/7)

  1. Bonjour

    Je pense que vous commettez une erreur d’appréciation.
    La jalousie ressentie est ressentie parce qu’on prête à sa/son partenaire des sentiments dont on ignore totalement si il ou elle les ressent (ou même si il ou elle les vit vraiment). La jalousie est une projection de soi dans l’autre. Rien dans la jalousie n’est construit pour se protéger intellectuellement. Au contraire la majorité des pensées sont tournées vers ce que l’autre fait avec une tierce personne – ou plus exactement : ce qu’on imagine qu’elle fait/vit/ressent avec elle.

    Quelle que soit l’attitude du partenaire, la jalousie s’en alimentera : soit pour augmenter le sentiment d’abandon ou de rejet, soit pour alimenter les griefs envers l’autre (trahison, infidélité, etc).

    La jalousie est un sentiment complexe, construit dans la petite enfance autour de la peur de l’abandon, l’égocentrisme et la possessivité.

    Quand on quitte une personne, on est en rien responsable de ses projections mentales. 😉

    Sur mon blog dédié, j’ai écrit un article sur le sujet :

    http://lovecoop.org/polyamour-la-jalousie/

    François

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    1. Attention aux faux dilemmes. Il n’y a pas à choisir entre plusieurs causes d’apparition de la jalousie pour trouver la seule et unique cause.

      Derrière la jalousie peuvent se cacher la peur ou le désir. Ces deux choses ont aussi leurs fonctions, nous permettent de nous protéger ou de progresser. Rejeter en bloc la jalousie, en toute circonstance, n’aurait pas de sens (je ne sais pas si c’est ce que vous faites par « rien dans la jalousie n’est construit pour se protéger intellectuellement », phrase que je comprend mal).

      Il y a évidemment des attitudes favorables à apaiser (ou attiser) la jalousie d’une autre. N’importe quelle personne en a déjà fait l’expérience.

      Pour savoir si vous êtes en partie responsable d’une chose, un exercice intellectuel très simple: demandez vous si la chose serait arrivée si vous n’étiez pas là.

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  2. évidemment que personne ne peut être jaloux-se s’il ne vous connait pas ! Ce n’est pas pour autant que votre existence est la cause de sa jalousie. C’est un trait de caractère acquis – au minimum à votre contact – ce n’est pas un comportement provoqué par vous !

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      1. Personne ne dit que le déclencheur de la jalousie ne peut pas être externe. C’est une lecture naïve et irréfléchie des auteurs décriés dans cette série de textes.

        Je peux être le déclencheur de la jalousie de quelqu’un ; ça ne donne pas pour autant à cette personne des droits sur ma vie, et ça ne me donne aucunement d’obligations par rapport à cette personne.

        Dire ça ne signifie pas non plus que si une de mes copines est jalouse, je vais la laisser dans son coin gérer ses propres sentiments. Je n’ai jamais lu un texte sur le polyamour qui préconisait ça. Si je tiens à elle, il est évident que je vais chercher à la rassurer. Par contre, même si par amour je veux l’aider, ça n’est pas pour autant ma responsabilité. De plus, censurer mon propre comportement pour ménager l’autre, en niant mes propres envies et celles de mes autres copines, n’est pas une solution viable.

        Pour s’en convaincre, il suffit de prendre un exemple tout simple : disons que je viens de rencontrer une personne, et qu’en apprenant que je suis polyamoureux, elle s’offusque et devient fâchée contre moi (parce qu’elle considère que le polyamour est mauvais en soi) : doit-on considérer que je suis responsable de sa colère, car elle a été déclenchée par le fait que je suis polyamoureux et que j’ai osé en parler par honnêteté, ou doit-on considérer que c’est sa vision du monde et son manque d’acceptation pour les pensées différentes qui sont à l’origine de cette colère ? Doit-on considérer que c’est à moi de changer car j’ai une part de responsabilité dans sa réaction ?

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  3. Je suis jalouse et je maitrise cette émotion négative différemment selon les partenaires. La question doit s’envisager en contexte. Si votre partenaire est déloyal avec vous, et prétend avoir une simple amie quand existe une vraie complicité qu’on ne peut constater que dans les échanges privés de sms (cachés ou effacés par le partenaire), on est dans une situation où c’est ingérable émotionnellement. La confiance ne peut exister… Avec le polyamour, ça se complique…

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    1. Si un partenaire est malhonnête et cache des choses, ça ne relève en rien du polyamour et ça va même à l’encontre des principes de base de ce type de relations reposant sur l’honnêteté. Ce n’est pas le polyamour qui rend les choses plus compliquées dans ce cas ; c’est le non-respect des principes de base de ce genre de relations, prônés par tous les auteurs américains que j’ai lus. (Honnêteté, confiance, etc)

      Assumer la responsabilité de ses propres sentiments ne veut pas dire accepter la malhonnêteté de l’autre. Comme dit plus haut, c’est une interprétation tellement naïve qu’elle me semble elle-même malhonnête (je ne comprends pas comment on peut l’interpréter de cette façon à moins de faire preuve d’une profonde malhonnêteté intellectuelle).

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  4. Cette série de textes est complètement basé sur une interprétation erronée de la vision responsabilisante du polyamour, et met à tort en opposition deux visions qui sont en fait complémentaires.

    Franklin Veaux, principal auteur américain actuellement sur la question du polyamour, est le premier à dire que si on tient à quelqu’un, on essaiera de l’aider à mieux gérer ses sentiments. Il n’est jamais question de dire, comme ce texte le sous-entend, que la personne jalouse doit gérer seule sa jalousie, ou de nier que la jalousie peut naître de circonstances extérieures à la personne qui la ressent. Il n’est jamais question non plus d’affirmer que l’ego est immuable et n’est pas affecté par des influences externes. Dire ça, c’est interpréter de façon complètement fantaisiste les écrits de Veaux et d’autres qui sont de la même mouvance responsabilisante (comme Les fesses de la crémière). C’est même carrément absurde et c’est la première fois que je lis quelque chose de pareil sur le polyamour (et je commence quand même à en avoir lu pas mal, maintenant).

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    1. extrait du premier texte:
      « Le but de cette série de texte et conceptualiser 2 approches antagonistes du polyamour. Si ce qui suit verse volontier dans la caricature, il peut être bon de grossir le trait pour bien comprendre ce que sont ces approches, comment elles se construisent et quelles sont leurs conséquences sur nos relations. Dans nos relations, nous avons toujours une part plutôt individualiste et une part plutôt altruiste. »

      Du coup oui, ces textes se basent sur la démolition d’un homme de paille. Il ne s’agit pas de critiquer une auteure en particulier, ni de sous-entendre que telle ou tel auteure a réellement ces positions caricaturales.

      Je comprend que le procédé vous agace, mais évitez les attaques personnelles svp. J’ai clairement exposé la démarche et j’ai été touché par la virulence de vos critiques.

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      1. Désolé si j’ai été un peu virulent. Je vais tâcher de me calmer pour avoir un débat constructif.

        Grossir le trait est une chose. Inventer un extrême qui n’existe pas et le mettre en opposition avec un concept qui lui est complémentaire, c’est inventer un faux débat de toutes pièces.

        Vous présentez clairement ces deux concepts comme des manières opposées de voir le polyamour alors qu’il n’en est rien. C’est inutilement clivant.

        Décrire la responsibilisation par rapport à ses propres sentiments comme « paradoxale pour des humanistes » et « individualiste », l’opposer à l’altruisme, etc sont des idées fausses. L’associer à une culture consumériste et un manque d’altruisme sans citer de source ni dire pourquoi est plutôt douteux. Prétendre que la source de ce soi-disant « individualisme » (qui n’existe pas vraiment) vient d’une croyance en un « moi immuable » indépendant du monde externe (croyance qui n’existe pas non plus) est au mieux fantaisiste.

        Avez-vous des sources pour étayer tout ça ?

        Je ne sais pas si vous savez vraiment ce que c’est qu’un « homme de paille », car avouer utiliser ce procédé rhétorique malhonnête n’est pas à votre honneur…

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      2. Bonjour Nicolas, je pense que tu dois accepter que l’homme (avec un grand H) est diversifié, on ne peut envisager que ce que l’on a rencontré car on voit l’homme avec ses lunettes culturelles, on pense qu’il vit et agit comme nous alors que sa démarche peut être toute autre.

        Je rencontre cette difficulté avec mon partenaire qui ne veut pas me rassurer dans le cadre d’un problème de jalousie. Il veut m ‘imposer une activité avec une fille qui s’intéresse vivement à lui et qui ne le cache pas; en théorie, c’est pour faire un duo de chant et pas une relation amoureuse mais cette relation n’est pas la même que les autres relations avec des femmes car avec les autres femmes, il a appris que s’il me tenait informée, la jalousie ne montait pas en moi.

        Je suis heureuse de voir distingué dans cet article ce qui est nommé « individualiste » et ce qui est nommé « altruiste » car je vis avec l’individualiste et je suis altruiste (je pense). Je ne peux pas supporter de peiner mon partenaire mais lui me laisse dans ma gadoue, dans ma souffrance; il n’est pas méchant mais il estime qu’il n’a rien à voir avec cette souffrance alors que lui s’engage dans une nouvelle relation qui n’a pas de caractère professionnel, qu’il qualifie « d’expérience » (car il s’engage rarement…).

        Je trouve qu’on pourrait trouver un autre terme qu’individualiste car il correspond au profil mais il n’est pas individualiste. Il charitable et généreux avec tout son entourage. Simplement, en ce qui concerne les sentiments, il a horreur des gens qui ne se maitrisent pas sur ce point car il a lui-même fait un grand chemin. Il justifie sa position comme un principe. Oui, ce profil existe…

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  5. Un peu étonné des réactions à cet article qui ne semble ni exagérément caricatural, ni à coté de la plaque.

    J’ai, à au moins deux reprises, été en relation avec des femmes qui avaient cette approche « C’est ton sentiment, ça t’appartient » avec en creux « démerde toi avec ça ». Et sur le site facebook Polyamour, des réactions en commentaires sont régulièrement dans cet état d’esprit. Alors peut-être qu’il y a des auteur-es qui sont plus subtils que ça, mais dans le « réel », tel que j’ai pu le vivre et ressentir en tout cas, c’était ça.

    Et je suis content de lire enfin une alternative et une critique à cette approche individualisme qui me semble plutôt bien installé chez les polyamoureux-ses.

    Alors merci à l’auteur 🙂

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    1. Quand on rencontre une pensée partagée par beaucoup de personnes et peu de contre-pensée, on a tendance à penser qu’on a un problème psychologique, qu’on est quelqu’un de trop possessif, de trop invasif…

      Le fait de concevoir qu’il puisse y avoir des individus différents dans leurs relations permet de se sentir exister et aussi de remettre en question d’autres « vérités » ou pseudo-vérités qui circulent, comme le fait d’avoir un jardin secret. Il est couramment admis qu’on doit autoriser l’autre à avoir un jardin secret dans un couple. Je me demande si le fait de l’institutionnaliser ne permet pas aux dominants de ne pas être dérangés…

      Je me faisais la réflexion car moi, je n’ai pas ce problème, si on me demande de voir les sms que j’écris, je les montre…. Ce n’est pas le cas de tout le monde … Je fais le postulat que mon empathie envers l’autre veut que s’il ressent le besoin de lire mes sms, je ressens cela comme légitime car j’ai eu un tel besoin moi-même…

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